Joue le jeu jusqu'à ce qu'on se brûle?

Son téléphone en mode silencieux, trop de notifications l’attendent sur cet appareil électronique dont il veut plutôt en oublier l’existence. Il s’y plaît habituellement à répondre à ses messages et continuer à allécher la clientèle qu’il entretient et celle qu’il crée via Tinder. Oh, il n’avait pas établi un profil pour trouver l’âme sœur, mais plutôt pour étendre les profits potentiels pour renflouer son compte en banque qui hurlait à l’aide.
Mais cette soirée, il n’en avait rien à faire. Un besoin viscéral de souffler, d’être entouré de parfaits inconnus et ne pas se prendre la tête. Voilà le mot d’ordre qu’il s’était juré de suivre. La musique qui gambade entre les murs de ce Moon & Tonic. À dépenser quelques billets colorés sur des consommations d’alcool. Il ignore comment il a pu résister à la tentation de glisser vers le casino, mais le voilà dans l’est de la ville, un moyen de rester loin -au risque de devoir marcher des heures pour se rendre jusqu’à son appartement dans le nord, s’il parvient à mettre un pas devant l’autre-.

En revenant des toilettes, son prénom parvient jusqu’à ses oreilles. Il relève la tête, cherche qui a bien pu l’interpellé -son prénom n’est pas le plus répandu-. Puis, il y a cette fille, qui l’agrippe. Une grimace déforme les traits de son visage. Il s’extirpe, mais ce qui énerve de toute évidence la demoiselle qui s’en offusque à la seconde qu’il débarrasse les mains qui lui collent la peau. Puis elle commence à enchaîner des phrases qui rentrent par une oreille et ressortent par l’autre. Devin lève les yeux azurés vers le ciel. Quelle plaie! Elle ne pouvait pas le laisser tranquille au lieu de lui balancer cent vingt milles reproches de ne pas avoir répondu à ses messages de leur match Tinder depuis leur wannabe date?
Le danseur nu tente de se défiler, mais elle le suit et ne semble pas prête à lui lâcher les baskets. Il refoule un grognement. Sauf qu’il n’a pas le moindre instant pour glisser un seul mot. Devin projette son regard et capte une personne seule. Il coupe la parole à son agresseuse sauvage sortie de nulle part pour lui indiquer qu’il est accompagné pour la soirée. Un rire jaune lui hérisse les poils. Pour prouver ses dires, il ne fait que lui rendre un large sourire et tourner les talons.

Il s’avance vers la rouquine accoster au bar sans même se retourner. S’il montre une seule hésitation, son bateau coule aussitôt. Il met sa main sur l’épaule de la demoiselle pour capter son attention.

— Hey, désolé chérie, je suis en retard.

Il ne laisse pas cette dernière réagir qu’il l’enlace dans ses bras.

— S’il te plait, joue le jeu, chuchote-t-il pour qu’elle soit la seule à l’entendre. J’ai une folle qui ne veut pas me lâcher et je tente de m’en débarrasser. Je t’offre un verre si tu veux même.

Il la libère un tantinet, croise son regard en compagnie d’un sourire tendre. Sa main vient replacer l’une des mèches rousses derrière l’oreille de la charmante demoiselle.

— Dis-moi lorsqu’elle n’est plus là. C’est celle qui porte un chandail rose et une veste en jean avec une queue de cheval.

Un regard rapide dans l’établissement déjà bien rempli. Riddy prend la décision de se diriger vers le bar pour y prendre place. Commande rapidement passée, son gin et tonic habituel remplacé par une bière blonde, le classique de fin de quart de travail. La journée avait été longue et bien que la rouquine n’avait pas l’habitude de boire pour le simple plaisir en sortant du travail, il y avait des jours où elle considérait que ce petit verre était bien mérité. D’autant plus que ses amis voulaient sortir en cette soirée. Elle était simplement arrivée avant eux, histoire de décompresser un peu du boulot avant de se plonger dans une autre activité. Ses cheveux lâchement détachés sur ses épaules, elle n’avait fait que enfiler les vêtements de rechange qu’elle gardait au poste avant de sortir. Elle était certes repassée à l’appartement pour s’assurer qu’Hadès allait bien et le sortir un peu, mais n’avait pas prit la peine de se maquiller durant des heures. Riddy espérait seulement un bon moment entre amis, sans plus.

Une première gorgée, puis une autre. Bien que l’endroit soit bien achalandé, elle ne ressent pas vraiment la présence des autres et apprécie ce petit moment de calme. Les autres membres de leur petit groupe de ce soir n’étant pas les plus ponctuels, elle sait qu’elle aura encore un moment tranquille avant que quelqu’un ne la convainc d’aller sur la piste de danse. Riddy n’est pas forcément solitaire, mais elle attend des gens, donc elle ne se déplacera pas inutilement non plus. Leur point de rendez-vous au Moon&Tonic avait toujours été le bar.

Une main se tourne sur son épaule et elle se retourne, tout sourire, s’attendant à y voir un de ses potes qui serait - Pour une fois, quel miracle ! -  arrivé à l’heure. Son expression change en plus fraction de seconde alors qu’elle réalise qu’elle ne connaît nullement l’homme qui lui fait face. Mais quelque chose la pousse à ne pas surréagir. Pas tout de suite… De toute façon, elle n’aurait pas eu le temps de faire quoi que ce soit, puisque instantanément il la prend dans ses bras. Et quand il lui demande de jouer le jeu, Eurydice étouffe un petit rire qu’il sera clairement en mesure d’entendre. La demande semble sincère, Riddy hésite un instant, n’appréciant pas nécessairement ce genre de comportement. Mais si cela peut éviter une plainte en harcèlement, pourquoi pas.

« Ah, te voilà enfin! Je me demandais si tu ne m’avais pas laissée en plan. » Qu’elle s’exclame au moment où il replace une mèche de ses cheveux. Un regard par dessus l’épaule de l’homme. Il n’est pas difficile de voir celle qu’il tente d’éviter, qui les observe avec un air quelque part entre la colère et l’effroi peint sur ses traits. Pendant un instant, elle se demande si elle n’est pas en train de faire une erreur en l’aidant. Mais elle garde un large sourire. « Toujours là. » Qu’elle murmure en réponse à sa demande. Il sera donc nécessaire d'en faire un peu plus pour l’éloigner.

« Comment a été ta journée ? » Riddy s’étire un peu pour déposer un baiser sur la joue de l’homme. Avec un sourire charismatique, elle ne le lâche pas des yeux, mais elle perçoit un mouvement du coin de l’oeil, la fille s’approche. Alors Riddy hausse un peu le ton « Et ton ex ? Elle a fini par comprendre le principe de rupture cette fois ? Parce que ça devient lassant tout cette histoire. » Intérieurement, elle a envie d’éclater de rire. Et à la tête qu’affiche celle qu’il tente de fuir, Riddy doit faire preuve de contenance pour ne pas céder à l’hilarité. Audacieux, elle ne sait pas réellement si elle se moque de l’homme qui vient lui demander de l’aide car il ne sait pas gérer ses ex ou si elle s’amuse du côté désespéré de cette pauvre fille.

« C’est bon, elle est partie. Tu peux respirer. » Elle s'apprête à mentionner qu'il devrait cependant attendre un peu avant de retourner sur le dance floor, puisqu'elle y est dans doute encore, mais il est bien assez grand pour se gérer seul. Et avec un léger rire, elle prend une nouvelle gorgée de sa bière. Puis elle lui tend la main pour se présenter. « Riddy. »

La personne parfaite! Seule, au bar faisant mine d’attendre quelqu’un. Peut-être était-ce réellement le cas? Que cette jolie rouquine patientait jusqu’à ce que son petit ami la rejoigne? Peu importe, Devin espère toutefois qu’il n’arrivera pas pendant son modeste tour de manège pour se débarrasser de l’autre folle qui ne veut pas la lâcher. Sans quoi, la honte qu’il aura en voyant son plan tomber en morceaux. Ou encore entamer une altercation pourrait être rigolo -le danseur n’ayant jamais eu peur d’user de ses poings-. Mais son objectif premier reste de faire déguerpir cette fille hystérique.
D’un pas assuré, il aborde sa complice d’infortune. Il l’intime de jouer le jeu et de lui faire signe lorsqu’elle verra enfin l’indésirable partir. D’ici ce moment, il continue d’acter, de mimer le fait qu’ils étaient un véritable couple. Ce rire étouffé qu’il perçoit au fond de son oreille tandis qu’il l’enlace le fait sourire. Elle est réactive, une bonne chose. Ça rendra le tout d’autant plus crédible et surtout convaincant.

— Non, jamais, tu me connais! répond-il en riant.

Son visage s’approche, il bifurque au dernier moment et appose ses lèvres sur la joue de la ravissante demoiselle après avoir replacer une mèche de ses cheveux.
Jouer sur la proximité était toujours gagnant. Autant pour faire miroiter une fausse relation que pour charmer. Il mentirait, Devin, s’il insinuait que la rouquine était vilaine. Une pierre deux coups? Il s’essaiera avec plaisir. Puis, il a l’excuse parfaite tant que l’autre folle reste dans les parages comme elle lui transmet l’information.

Si la tentation le consume de se retourner et envoyer un regard mesquin et empli d’arrogance à celle qui l’épie toujours, il se retient, se concentre sur celle qui captive son attention et à laquelle il a promis un verre en échange de sa gentille collaboration dans son échappatoire improvisée.

— Ça va, un peu épuisé. Et toi?

Son sourire s’étire sur ses lèvres suite à se baiser rendu. Il comprend qu’il n’est pas déplaisant à ses yeux -ce qui est une évidence pour tout le monde après tout-. Il a de réelles chances de poursuivre la soirée en sa compagnie s’il joue les bonnes cartes.
Il hausse les sourcils en voyant la confidence et l’audacité émaner de la demoiselle. Et en réalité, il adore. Il étouffe à son tour un rire alors que sa tête se penche vers l’arrière.
Tout comme elle est rentrée dans son jeu, il en fait de même -tel un échange de bon procédé-.

— Je ne te le fais pas dire. Mais je crois que cette fois c’est bon.

Bordel qu’il doit se faire d’une violence pour résister à tourner la tête, y jeter un rapide coup d’œil par-dessus son épaule pour narguer la première intéressée. Avec un peu de chance, hausser le ton de la sorte fera que la conversation se rendra aux oreilles de cette folle.
Devin échange un regard amuseur avec la rouquine, un sourire étirer jusqu’à ses oreilles. Une bonne humeur sincère dans cette situation plus que cocasse. Il a trouvé la partenaire parfaite. Puis il souffle lorsqu’elle lui assure qu’elle n’est plus dans les parages, enfin! Il empoigne cette main, qu’il serre brièvement.

— Dev.

Il guide cette main frêle jusqu’à sa personne et y appose un tendre baiser sur le revers avant de la libérer. Son coude trouve appuie sur le zinc et ses pralines azurées se plonges à nouveau dans son regard.

— Merci. Tu n’as aucune idée à quel point tu viens de jouer un rôle parfait! Je t’avoue que j’avais une petite crainte que tu me laisses en plan et que j’aille l’air d’un parfait idiot.

Il en rigole. Il préfère en rire.

— Tu veux quoi comme verre. Je te l’ai promis.

Devin fait signe au barman qui s’approche ensuite d’eux. Il fait signe à Riddy de choisir et commande à son tour une bière, ne raffolant pas des cocktails.

— J’espère que je n’ai pas foutu en l’air tes plans pour la soirée? Je t’ai ciblé comme tu semblais seule. Tu n’as pas de petit copain qui risque de me défigurer pour t’avoir malgré toi jouer ma petite amie?