L'honneur, c'est dire non (Kim)

Dix neuf heure. La nuit commençait à tomber sur Vancouver et Ren, capuche rabattue sur son visage, progressait en centre ville en jetant régulièrement des coups d'oeil derrière son épaule pour s'assurer qu'il n'était pas suivi.

Cette crainte aurait pu finir par tourner en paranoïa si son intelligence fine ne lui permettait pas de relativiser : à présent que sa puce électronique était désactivée, ses poursuivants n'avaient plus aucun moyen de le localiser.

Il avait voyagé jusqu'au continent américain avec de faux papiers et il continuait de s'en servir sur place.

Le monde était trop vaste pour qu'ils aient une quelconque chance de retrouver sa piste avant de longs mois. Cela, il l'espérait, lui donnerait le temps d'échafauder un plan solide pour éviter qu'ils en fassent de nouveau leur cobaye.Il préférerait qu'ils l'abattent froidement en pleine rue plutôt que de revivre cela.

Après quelques minutes de marche toutefois, des attitudes suspectes avaient attiré son attention. Son sens de l'observation aiguisé lui avait rapidement permis de comprendre qu'il n'était pas ciblé, mais ce qu'il avait perçu de la situation lui avait donné froid dans le dos.

Méthodique, un groupe de quatre hommes s'apprêtait à enlever un enfant...

Sa première idée avait été de passer son chemin. Il devait à tout prix éviter les problèmes, s'il souhaitait retrouver une vie normale.

Bien vite toutefois, son sens moral avait pris le dessus. Que penserait son père, s'il détournait le regard ? Et lui ? Serait il encore capable de se regarder dans le miroir ?

Non sans avoir laissé échapper un soupir, il avait donc décidé de faire de son mieux pour s'interposer. Il n'avait aucune chance de neutraliser autant d'assaillants, surtout sans utiliser ouvertement son pouvoir, mais il pouvait au moins essayer de permettre au petit de s'enfuir...

- HÉ !

Une fois certain d'avoir l'attention du garçon, il lui avait crié :

- COURS !

Effrayé, le petit inconnu s'était exécuté et avait rapidement disparu, grâce à une porte qu'il avait discrètement matérialisée à l'abri du regard des malfaiteurs puis faite disparaître aussitôt.

Il était lui aussi parti au pas de course sans demander son reste mais malheureusement, il avait rapidement été rattrapé.

Malfrat : T'es qui, toi ?

Pas de réponse. Acculé contre un mur, il respirait rapidement, en position de garde.

Malfrat : Il est où, le gosse?? Magne toi de répondre, j'répéterai  pas deux fois !!

Irrités par son silence, ses interlocuteurs avaient fini par l'empoigner violemment. Il s'était débattu avec force mais il ne faisait pas le poids contre quatre assaillants. Quelques minutes plus tard, quelque chose de dur heurtait violemment l'arrière de sa tête et il perdait connaissance.

Lorsqu'il était revenu à lui, il ne se trouvait plus dans la rue, mais dans une pièce qui lui était inconnue.

Mort d'inquiétude, il avait esquissé un mouvement pour se redresser mais le paysage tanguait toujours autour de lui et, surtout, quelqu'un avait fermement appuyé sur son épaule pour le maintenir au sol.

Devant lui, assis sur un fauteuil comme sur un trône, se trouvait un autre asiatique, manifestement un peu plus âgé que lui.

Qui était-il ? Que lui voulait-il ? Par stratégie, il l'avait laissé prendre la parole le premier...

Un an en arrière, la vue du pistolet qu'exhibait l'inconnu l'aurait fait trembler comme une feuille mais à présent qu'il savait qu'il existait des sorts pires que la mort, il parvenait plus ou moins à étouffer son inquiétude à l'idée d'être la cible de ses balles.

Son petit frère ? Mon oeil... Ren avait dû se mordre la lèvre pour s'abstenir de lui demander d'arrêter de le prendre pour un imbécile. Il savait reconnaître une tentative d'enlèvement lorsqu'il en voyait une, surtout aussi grossière...

Il n'avait pas non plus apprécié qu'il le saisisse par le menton comme un enfant pris en faute pourtant, il s'était laissé faire sans broncher, conscient que sa position ne lui permettait pas de jouer les fortes têtes.

Avant qu'il ait eu le temps de répondre à ses questions, son corps s'était légèrement crispé lorsqu'un léger courant électrique était venu hérisser son duvet sur sa peau.

Un autre mage?? Voilà qui compliquait encore un peu les choses...

Dans d'autres circonstances, la sensation aurait pu s'avérer agréable mais dans cette situation il avait accueilli cette chatouille comme une menace, un avertissement.

Le courant pouvait causer des brûlures cuisantes et il était certain que son interlocuteur ne l'ignorait pas...

- Je m'appelle Sota Ito. J'ai croisé le chemin de vos hommes par hasard.

Ses faux papiers, matérialisés par ses soins, étaient impossibles à différencier de vrais, le bandit n'avait donc à priori aucun moyen de savoir qu'il mentait.

Quant à révéler sa nature de mage... Dans un premier temps, il avait préféré botter en touche.

- Qu'est-ce que vous lui vouliez à ce gosse ?

Moyen de faire chanter un adversaire ? Pédophilie ? Trafic d'organes ? Il avait de nombreuses horreurs en tête mais il était loin de se douter que le thaïlandais se constituait en fait une armée de petits soldats...

L'homme insistait pour savoir s'il était un mage. Puisqu'il en était un également, Ren avait estimé qu'il ne prenait pas un risque inconsidéré en lui révélant la vérité, aussi avait-il fini par acquiescer en restant néanmoins volontairement vague.

- Je suis un mage, oui.

Lorsque le thaïlandais avait affirmé qu'il recueillait des orphelins pour les mettre en sécurité, le doute s'était insinué dans son esprit.

Et si c'était vrai ? S'il avait fait une bêtise en s'interposant ? Pire, mis un enfant en danger en ayant une lecture erronée de la situation ?

S'ils étaient vraiment là pour faire une bonne action cela dit, pourquoi le petit semblait si apeuré ?

Ne sachant pas s'il était pertinent qu'il présente des excuses à son interlocuteur ou non, il avait préféré garder le silence.

Lorsque ce dernier lui avait annoncé qu'il devrait rester son "invité" jusqu'à ce qu'il puisse lui faire confiance cependant, il avait de nouveau esquissé un mouvement pour se relever.

- Je peux pas rester. J'ai un travail, je vis pas seul... Des gens vont me chercher.

C'était des mensonges mais il n'avait pas quitté une prison pour replonger à pieds joints dans une autre après quelques mois seulement de liberté....

- J'pensais que vous vouliez du mal à cet enfant, c'est pour ça que je me suis interposé. Je ne me mettrai plus en travers de votre chemin maintenant que je sais que je me suis trompé.

En vérité, il hésitait encore à contacter la police magique, ne serais ce que pour un contrôle mais bien sûr, il n'en dirait rien à son interlocuteur...

Ren avait eu une petite montée de stress lorsque son interlocuteur avait exigé qu’il contacte ses proches pour les informer de son absence temporaire.

Puisqu’il avait menti, il n’avait aucun numéro en tête à composer en dehors du japon mais fort heureusement, il savait comment étaient composés les numéros au Canada et cela lui avait permis, du moins, l’espérait-il, de donner le change.

- Allô ? Je vais partir pour quelques jours avec des amis et je risque de ne pas avoir beaucoup de réseau. N’oublie pas de nourrir mes poissons s’il te plaît (…)

C’était un inconnu qui avait été le destinataire de ces paroles brèves avant qu’il raccroche rapidement et feigne, cette fois, de contacter son employeur.

- Monsieur ? Sota Ito. Ma mère est très malade, je suis navré mais je vais devoir m’absenter pendant quelques jours…(…) je comprends, oui. Pas de problème. Bonne soirée à vous.

Tandis qu’il rendait son appareil à son ravisseur, il avait tenté d’adopter le comportement le plus crédible possible.

- Ne leur créez pas de problèmes à cause de moi, je vous en prie.

Si le thaïlandais lui proposait de rencontrer des enfants recueillis par ses soins, c’était soit qu’ils étaient trop intimidés ou trop bien conditionnés pour oser se plaindre à un inconnu, soit qu’il disait vrai et qu’il était effectivement un bon samaritain.

Retenir quelqu’un contre son gré n’était pas commun cela dit, pas plus que de proposer de le renommer comme un animal de compagnie sous prétexte que l’on n’appréciait pas son nom.

Ces éléments inhabituels laissaient penser au japonais qu’il avait affaire à une sorte de secte dirigée par un étrange enfant gâté et le pousseraient à faire une tentative d’évasion dès que cela serait possible.

Pour l’heure, s’il ne tenait pas à finir avec une balle fichée entre les deux yeux, il avait tout intérêt à coopérer, même si taire ses véritables pensées devenait de plus en plus compliqué pour lui.

- Appelez-moi comme il vous plaira, ça m’est égal.

De toutes façons, il ne comptait pas s’attarder… même si sa proposition d’intégrer une grande famille où il serait en sécurité et qui pourrait peut-être l’aider à libérer son père était tentante, dans sa situation.

- J’ai besoin d’un peu de temps, pour y réfléchir.

S’apercevant que le jeune homme ne lui avait donné aucune information personnelle sur son compte, il avait tenté :

- Est-ce que je peux vous demander votre nom ?

S’il avait dans un premier temps été rassuré d’entendre le thailandais lui dire qu’il ne rechercherait pas sa famille fictive, Ren avait senti son coeur faire un bond dans sa poitrine lorsque ce dernier lui avait avoué que son père avait, contrairement à lui, coutume de torturer les gens.

Pourquoi des sauveurs d’enfants en viendraient-ils à de telles extrémités ? Non, décidément, il y avait quelque chose qui clochait avec cette organisation…

C’était de mauvaise grâce qu’il l’avait donc suivi jusqu’à un ascenseur après qu’il se soit présenté. Il n’avait aucune envie de se retrouver en tête à tête avec lui, même s’il aurait pu le trouver attirant dans d’autres circonstances mais c’était peut-être sa seule chance de lui fausser compagnie.

Encerclé par ses sbires dans la pièce qu’ils venaient de quitter, il n’aurait rien pu tenter sous peine d’aggraver sérieusement sa situation déjà critique.

Lorsque les portes s’étaient rouvertes, il avait pris le temps d’analyser son nouvel environnement. En tant que médecin, son père avait toujours eu une situation confortable mais la débauche de luxe dans laquelle il venait d’être plongé allait bien au-delà de cela.

La pièce aurait cruellement manqué de vie si un immense arbre à chats et ses occupants ne se tenaient pas en son centre. Quelques-uns des félins les avaient rejoints pour se frotter à leurs mollets et le japonais en avait profité pour effleurer leur douce fourrure au passage.

Cela faisait longtemps qu’il était privé de contacts physiques chaleureux, ceux-ci avaient donc été appréciés à leur juste valeur.

Son visage s’était fermé lorsque Kim avait annoncé qu’il l'appellerait Boby. Le prenait-il pour un chien ?!

- Damare, baka…

Ce murmure avait franchi la barrière de ses lèvres sans qu’il puisse le retenir mais, fort heureusement, le maître des lieux ne devait pas l’avoir ni entendu, ni compris au vu de la distance qui les séparait.

Désireux d’avoir de plus amples informations sur les projets qu’il avait à son égard, il avait fini par lui emboîter le pas et par le questionner :

- Qu’attendez vous réellement de moi ?

Comptait-il vraiment le tester pour s’assurer qu’il ne répéterait rien de ce qu’il avait vu ? Si oui, comment ? Si non, souhaitait-il s’amuser avec lui puis le faire disparaître ?
Abuser de lui, ce qui expliquerait pourquoi il s’était isolé de ses hommes de main ?

Ses yeux en amande s’étaient brièvement tournés vers les couteaux qui étaient disposés au mur à proximité du plan de travail.

Quelles chances avait-il de s’en tirer, s’il choisissait la force plutôt que la ruse ?

Il était légèrement plus grand que Saeng mais aussi en moins bonne forme physique. Son année de détention et les expériences auxquelles il avait été soumis avaient eu tendance à atrophier ses muscles et certaines de ses cicatrices étaient encore douloureuses.

De plus, il l'avait vu un peu plus tôt, son adversaire disposait d'une arme à feu... Il pourrait en matérialiser une si l'envie lui en prenait mais il serait probablement moins habile pour tirer que lui...

Pour le moment, il allait donc devoir continuer à se montrer patient…

Garder sa bouche fermée… promettre sa discrétion au mafieux et s’y tenir serait effectivement la chose la plus facile à faire, peut-être même la plus sage mais Ren ne pouvait s’empêcher de penser que cela constituerait une faute morale.

Son instinct lui hurlait qu’il ne portait pas secours aux enfants orphelins comme il le prétendait et l’idée que des dizaines de mineurs puissent être malmenés dans l’indifférence générale lui était insupportable.

Si personne n’avait compati à son sort, il serait toujours un sujet de laboratoire, privé de la moindre chance d’épanouissement. Lui aussi était en mesure de faire la différence. Il ne voulait pas fermer les yeux, pas comme les dizaines de techniciens qui avaient défilé devant lui et avaient regagné leurs foyers en occultant sa souffrance.

Aussi sympathique que se montrait désormais son « hôte » en lui préparant à manger et en lui servant à boire, il refuserait de se laisser embobiner par ses belles paroles et son visage d’ange.

Pour donner le change toutefois, il avait accepté le verre de vin et, après avoir trinqué et laissé le thaïlandais boire en premier pour s’assurer qu’il n’y avait pas glissé une quelconque drogue, l’avait porté à ses lèvres en feignant de s’intéresser à son sort :

- Mettre sa vie entre les mains d’autres personnes est rarement une bonne idée, quand on veut faire de vieux os.

Les ramens qui mijotaient dans la pièce l’embaumaient d’une odeur prononcée mais agréable.

Il aurait payé très cher pour manger un tel repas durant son année de détention mais il s’était bien rattrapé depuis, utilisant son pouvoir pour faire apparaître l’argent nécessaire à sa survie.

Il pourrait être millionnaire sans efforts, à l’instar de son interlocuteur, mais cela reviendrait à attirer l’attention sur lui, ce qui était la dernière chose qu’il souhaitait actuellement.

- A quel genre d’activités se livre votre famille ? Je suppose que vous ne devez pas votre aisance financière à l’aide que vous apportez aux orphelins.

Sans surprise, le vin était de très bonne qualité mais il devait prendre garde à ne pas s’enivrer s’il voulait tenter de s’évader une fois Kim plongé dans les bras de Morphée.

Pousser le riche héritier à une consommation déraisonnable serait en revanche une stratégie pertinente mais il ne savait pas vraiment comment s’y prendre sans avoir à l’accompagner. Changer le contenu de son verre en jus de raisin ?

La solution la plus simple serait de lui faire ingérer une substance psychotrope à son insu mais, pour l’heure, il ne souhaitait pas se résoudre à une telle extrémité…  

Ren avait légèrement haussé les épaules lorsque son interlocuteur s’était excusé pour la piètre qualité du dîner. A vrai dire, il ne s’attendait aucunement à ce qu’il le convie à partager un repas et s’il ne le retenait pas en otage, il aurait probablement trouvé l’intention charmante.

- J’aurais pas fait mieux de mon côté.

La plupart du temps, passant d’hôtel en hôtel pour limiter les risques d’être retrouvé par ses poursuivants, il ne se donnait pas la peine de cuisiner, se contentant d’ingurgiter des plats préparés, souvent froids.

A part son père, toujours retenu dans les sous-sol d’un laboratoire sordide, personne ne donnerait sa vie pour le protéger, lui. Il ne pouvait compter que sur lui-même et, si cette solitude était parfois pesante, elle avait également quelque chose de rassurant.

S’il n’était proche de personne, cela signifiait qu’il n’avait rien à perdre, ce qui était une force pour un fugitif.

Saeng entertainment… il avait brièvement entendu parler de cette société.

A bien y réfléchir, il serait totalement vain qu’il se présente à la police pour dénoncer de quelconques agissements suspects de la part de cette famille de millionnaires. Les gens riches et influents étaient bien souvent intouchables et ceux-ci ne feraient sans doute pas exception à la règle, d’autant qu’il n’était qu’un ressortissant étranger fraîchement débarqué dans le pays, très jeune, de surcroît.

Savoir qu’il devrait se contenter de sauver sa peau sans pouvoir rien faire pour les victimes de cette organisation l’irritait fortement mais la vie était pleine d’injustices et, malgré ses capacités surnaturelles, il n’avait malheureusement pas le pouvoir de changer le monde.

Il aurait pu avoir un impact, à son échelle, en décidant de faire sauter la tour d’immeuble ou autre action de cet acabit mais cela reviendrait à faire de lui un criminel et, de ce fait, à s’abaisser plus bas que les individus dont il méprisait les activités.

La dernière solution qu’il voyait était de sacrifier temporairement sa liberté pour être en mesure de se rapprocher de Kim pour le convaincre de renoncer à ses méfaits mais il était fort peu probable qu’il parvienne à ses fins…

- Je suis… j’étais interne en médecine mais j’ai dû prendre une année sabbatique.

Les études lui manquaient, ses patients également mais il savait qu’il n’était pas encore prêt à remettre un pied dans le milieu médical, pas alors que des sueurs froides s’écoulaient dans son dos à la vue d’une seringue ou d’un scalpel et qu’un stress important l’envahissait à la vue de blouses blanches et lorsqu’il entendait le bip bip incessant des machines de soins.

Equipé de sa paire de baguette, qu’il maniait à la perfection, il avait répondu au « bon appétit » du thaïlandais avant de le regarder prendre une deux bouchée(s) de ses ramens et de l’imiter.

La soupe brûlante était gouteuse, tout comme les ingrédients qui avaient été rajoutés avec les nouilles, suffisamment pour lui faire baisser momentanément sa garde.

- … c’est bon.

Ayant perdu l’habitude des discussions ornementales, il avait avalé son souper dans un silence quasi religieux avant que questionner son interlocuteur :

- Est-ce que tu crois que tu peux m’indiquer l’endroit où je dois dormir ? Je suis désolé mais je me sens pas super bien…

Ren avait toujours souhaité être médecin, inspiré par l’exemple de son paternel. Ce métier exigeait d’avoir des nerfs d’acier et de faire nombreux sacrifices concernant sa vie personnelle mais l’éclat qui brillait dans les yeux des patients et de leurs familles lorsqu’ils comprenaient qu’ils étaient tirés d’affaire n’avait pas de prix.

Bien sûr, il y avait également les cas incurables à gérer, le chagrin de ceux qui apprenaient que des adieux imminents étaient inévitables mais toute vie sauvée ou améliorée était un petit miracle en soi, qui valait la peine de supporter tout le reste.

Et puis, en tant que mages, les Harada étaient peu régulièrement confrontés aux issues sinistres de ce genre…

Utiliser leurs capacités surnaturelles au sein de l’établissement qu’ils dirigeaient était probablement ce qui leur avait coûté leur liberté et les avait exposés à tous les sévices qu’ils avaient subis mais si c’était à refaire, l’étudiant le referait, sans l’ombre d’une hésitation. Son pouvoir était un don qu’il avait choisi de mettre au service du reste de la population, peu importe ce qu’en pensaient les simples d’esprit.

Certains trouvaient ses créations contre nature, d’autres les enviaient et cherchaient à dupliquer ses capacités, lui cherchait désespérément un moyen de pouvoir continuer à être lui-même sans avoir à se cacher ou à subir des expériences dégradantes.

- On verra. C’est pas vraiment ma priorité pour le moment, mais j’y pense.

Pour l’heure, il n’était même pas certain de pouvoir demeurer en ville. S’il parvenait à s’évader, comme il le prévoyait, il aurait une nouvelle cible sur le dos qui le contraindrait probablement à devoir migrer à nouveau…

Il fallait vraiment qu’il apprenne à faire profil bas, s’il souhaitait faire de vieux os…

- Ta chambre ?! Mais…

Ses yeux s’étaient écarquillés. Son interlocuteur comptait-il dormir avec lui ?! Si non, pourquoi lui céder sa chambre alors qu’il n’était qu’un otage ?

Méfiant, il l’avait suivi avec la ferme intention de lui coller une bonne droite s’il tentait quoi que ce soit d’inapproprié mais Kim avait conservé son attitude bienveillante jusqu’au moment où ils s’étaient finalement quittés.

- Merci…bonne nuit.

Drôle de bonhomme…

Une part de lui le trouvait attachant et souhaitait en découvrir plus à son sujet, l’autre lui hurlait de reconquérir sa liberté avant qu’on l’enferme à nouveau.

C’était cette seconde voix qui avait été la plus forte.

Après avoir patienté quelques dizaines de minutes, désireux que le thaïlandais le pense profondément endormi, il avait ouvert la grande porte fenêtre qui menait vers l’extérieur.

Une fois rendu sur le balcon de la chambre, la vue lui avait donné le vertige pourtant, il avait fini par escalader lentement la balustrade, bien décidé à aller jusqu’au bout de son projet de fuite. Sa deuxième jambe était encore du côté de la chambre lorsqu’il avait été surpris…

*Merde*

Bien sûr, on avait tenté de le dissuader de sauter mais, déjà, la barre d’une sorte de petit deltaplane apparaissait entre ses mains.

La toile n’avait pas totalement fini d’apparaître lorsqu’il s’était finalement jeté dans le vide, effrayé par la perspective de s’écraser au sol mais mû par une nécessité impérieuse, celle de rester absolument maître de son destin, à l’avenir…