Filled my days with colour

Les températures s’abaissent. Malgré le manteau, Ethan éternue en chemin. Un frisson le transperce et il ravale un juron. Néanmoins, il admire un moment le paysage des érables arborant une panoplie de couleurs qui dessinent l’automne à merveille. La vue splendide contrebalance le froid qui est parvenu à attaquer son système immunitaire, néanmoins pour parvenir à décrocher son diplôme, il ne pouvait pas permettre de sauter une journée de travail.
Il n’a qu’à se débarrasser de son manteau au fin fond de son casier une fois rendu et il se dépêche à filer dans la minuscule cuisine pour saluer ses collègues. On lui fait remarquer la rougeur sur son nez et même s’il a beau le réchauffer de ses mains, il n’y a rien à faire. Il hausse les épaules et s’apprête à commencer son quart de travail.

Il ignore si c’est la saison, mais le modeste café roule aujourd’hui. La patronne a lancé sa petite variété automnale et plusieurs réclament la boisson aux épices de citrouille -ce qui le fait sourire à chaque client dont il note la commande-.
Tandis qu’il transmet les requêtes des consommateurs, une main se pose sur son omoplate. Ethan relève la tête et son collègue lui demande s’il peut reprendre le relais dans sa section le temps de sa pause. Il sourit, l’étudiant en droit, et acquiesce. Il se dépêche de résumer le carnet de notes et lui souhaite une bonne repos alors que ses talons se tournent et se dirigent vers les tables de la seconde division.
Il rassemble les commandes machinalement, voyant les places remplies, toutefois il se fige un instant lorsqu’il arrive vers cette table au bord de la fenêtre décorée pour l’occasion de l’Halloween. Un sourire naissant se dessine sur ses lèvres puis s’avance vers le client dont il a reconnu la tête. Il ne peut s’empêcher de se questionner à ce que ce dernier fait ici, seul. Mais tous pouvaient disposer de leur temps libre comme bon il le souhaitait.

— Hey, dit-il en affichant toujours ce sourire discret au bord de ses lippes. Est-ce que tu as décidé de ce que tu voulais commander?

Il laisse quelque peu tomber les formalités. Même s’ils ne se connaissent pas au point de se qualifier d’amis, mais ils ne sont pas de parfaits inconnus. Et soyons honnête, Ethan préfère se montrer familier que totalement formel -il se garde cet aspect pour lorsqu’il se présente dans une cour-.

— C’est la première fois que tu viens ici? J’avoue ne t’avoir jamais vu avant. Si tu veux, je peux te recommander quelques trucs si tu me dis ce que tu aimes en général. Le menu est bien varié.

Depuis peu, j’ai pris l’habitude de sortir de la bibliothèque universitaire pour m’installer dans un petit café où beaucoup d'étudiants de ma classe vont. Par moment, je me joins à eux, mais aujourd’hui, j'ai besoin de ma solitude et de toute ma concentration pour finir de rédiger une dissertation sur le rôle de la pression atmosphérique et son rôle sur la formation des systèmes atmosphériques. Rien de bien compliqué quand on sait que je possède le don de comprendre le ciel et de le modifier selon mes désirs enfin quand mes émotions sont claires et limpides.


Mes doigts effleurent le clavier de mon pc expliquant les différences entre les zones de hautes pressions et de basses pressions atmosphériques, tout en utilisant les dernières données reçues par le MSC (Meteorological Service of Canada) pour étayer mes explications. Je finis par me caler dans le fond de la banquette et regarder par la fenêtre, mes yeux gris orages scrutant le ciel qui s’assombrit avec l'arrivée d’une vague d’air froid.
Une voix me sort de mes rêveries, mon visage se détourne de la vitre et mes prunelles se posent sur ce gars. Instantanément mes lèvres s’ourlent en un sourire doux et presque idiot, je le connais sans le connaitre.
On est dans la même université, mais nos cursus sont de loin très différents, mais nous nous sommes croisés quelques fois et à chaque fois, il disperse les nuages de mes pensées et laisse rayonner un soleil si doux…
-Salut… Oui, je comptais prendre un thé noir, mais si tu as mieux à proposer, je ne vais pas dire non…


Je lui fais signe de s’installer en face et ferme mon ordi, pour lui offrir toute l’attention dont je suis capable.

La pointe de son crayon laisse ses traits sur le papier ligné entre ses mains. Finalement, il savait déjà quoi prendre pour étancher sa soif. Même si on lui cède une ouverture à une recommandation, Ethan ne souhaitait pas changer la décision du brun frisé. Seulement, il y avait bien une accompagnement dont le serveur appréciait particulièrement avec ce type de thé choisi.

— Je te laisse avec le thé noir, mais je peux te proposer de prendre des scones. Nous en avons soit à saveur de canneberge ou encore aux fraises. Ça s’agence très bien.

Il voit le geste que Gwenäel lui suggère. Si l’envie répond présente, il se doute que son superviseur aime l’idée de le payer pendant qu’il prend son temps avec un client.
Il sourit, tendrement, mais ses yeux lui implorent un pardon. Son regard s’attarde quelques secondes au sol, mais il finit par relever le menton avec un compromis.

— Je ne peux pas actuellement, mais si tu veux, dès que mon collègue revient de sa pause, je pourrai prendre la mienne et là je pourrai m’asseoir. Si ça te va?

Il ignorait combien de temps l’étudiant avait prévu de rester au café. Il pouvait néanmoins compter les minutes afin de déguster un thé bien chaud. Il suffisait donc de prier pour que ce dernier accepte de patienter un peu plus. Mais autrement, Ethan n’allait pas lui en tenir rigueur si son planning lui réservait autre chose.
Il secoue son calepin et étouffe un rire, quelque peu nerveux. Il espère sincèrement que Gwenäel le prendra pas mal et validera plutôt le contretemps. Les employés n’avaient pas l’autorisation de prendre leur pause simultanément lorsqu’il y avait une bonne clientèle présente.

Une fois le client ayant confirmé sa commande, Ethan lui sourit.

— Je vais porter ta commande et dès que c’est prêt, je te l’emmène.

Il tourne les talons, rend la feuille qu’il a gribouillée par la même occasion et s’affaire à répartir les commandes à travers le café jusqu’à ce que celle de Gwen soit entre ses mains. Il se dirige vers lui, il tend ainsi devant la silhouette du jeune homme.

— Et voilà. Juste faire attention, le thé est très chaud. Je ne voudrais pas que tu te brûles.

Puis, il s’attarde. Plus qu’aux autres tables.

Ce n’est pas la première fois que je viens dans ce café, que je m'assois régulièrement à la même place, que je commande tout le temps la même chose. Mais c’est la première fois que je le vois. Et la première fois que nous échangeons autant de mots.
Et même si ce n’est que professionnel pour lui, moi ça me fait du bien, un baume léger et doux qui éclaircit mes pensées encombrées.
-Je n’ai pas très faim, mais merci, je me laisserais tenter une autre fois.

Mes lèvres s'étirent en un doux sourire presque angélique qui reste accroché à mon visage même quand il décline poliment mon invitation à prendre place.
-Oui, c'est vrai pardon… Je suis un peu bête des fois.

Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir son malaise face à ma proposition, mais la sienne complète la mienne et dans mes prunelles brille une joie excessive.
-Cela serait avec plaisir ! Mais si tu as autre chose de prévu pour ta pause, il n’y a pas de soucis hein ?

Je ne veux pas qu’il sacrifie une pause bien méritée par ce travail qui doit être par moment être compliqué tant l’espèce humaine peut se montrer ignoble. Et ça je le connais mieux que quiconque…
-Super, je ne bouge pas !

Instantanément, ma tête tombe en avant pour dissimuler mes joues se parant du carmin de la honte… Mais quel bel idiot, je fais, bien sûr que je ne vais pas bouger, j’ai commandé… Putain réfléchit avant de parler Wen ! [/color]

Je le regarde s’éloigner et j’ouvre de nouveau mon ordi et reprends ma dissertation, vissant dans mes oreilles mes écouteurs et me laissant porter par la voix divine de Billie Eilish.
Il ne lui faut pas longtemps pour revenir et déposer délicatement la tasse de thé au parfum puissant.
-Merci… Je ferai attention.

Je lève mon regard vers lui et mes prunelles s’attardent légèrement sur ses lèvres avant de se plonger dans l’azur de son regard. Je suis là immobile, à le fixer, de ce large sourire presque béat, ignorant le monde qui nous entoure, et inscrivant dans ma conscience tous les détails de ses iris aux couleurs d’un ciel pur et délicat.

Un sourire s’estompe sur ses lèvres, mais il comprend que sa faim ne suit pas nécessairement. Après tout, la raison première de venir dans un café est de déguster une boisson bien chaude pour ces temps frisquets de l’année.
Son sourire revient aussitôt en prime avec un léger rire qu’il tente de réprimer -à moitié disons-le-.

— Mais non, ne t’inquiète pas.

Puis, Ethan lui propose un compromis. C’est peu de temps, mais malheureusement c’est tout ce qu’il peut offrir dans les prochaines heures. Il avait envie de découvrir un peu plus ce jeune homme. À l’université, c’est toujours avec les traits sérieux qu’il croise son chemin. Le voir hors du cadre d’études supérieures lui permet d’apercevoir d’autres facettes.

— Si je l’ai proposé, c’est que ça ne me dérange pas?

Il ne savait plus si finalement il l’incommodait ou pas. Peut-être voulait-il avoir du temps que pour lui. Il était sur son ordinateur. Mais il ne lui aurait pas offert de s’asseoir. Il secoue légèrement la tête. Il doit chasser l’anxiété qui commence à fourmiller en lui.

— J’espère que tu seras encore là, oui.

Puis il tourne les talons. S’occuper l’esprit avec le boulot l’aide à ne pas laisser le flux de ses pensées lui embrumer le cerveau. Il déferle les commandes et le thé noir en main, il revient vers l’étudiant qui s’est remis au travail. Il l’observe, concentré dans ce qu’il fait, mais au bout de quelques secondes -à se rendre compte qu’il bloquait le chemin-, il dépose la tasse tout en lui intimant de faire attention.
Ethan lui rend le sourire. Il pouvait quasi le qualifier de joie contagieuse.

— En espérant que ça soit à ton goût.

Il entend à la seconde suivante son nom. Sa tête se tourne vers la voix de sa collègue qui lui fait signe des commandes prêtes. Un pincement au cœur le saisit tandis qu’il était dans l’obligation de s’éclipser. Il glisse un « pardon » tout bas avant de laisser Gwen et de reprendre le boulot. Il était bien payé à travailler.
Malgré tout, à chaque petite occasion, ses pralines azurées se dirigent vers cette place près de la fenêtre. À guetter s’il est toujours là. À savoir s’il pourra s’y installer les quinze minutes de sa pause. Il n’avait simplement pas réalisé que c’était le break repas que son collègue prit, mais dès son retour, il n’a même pas le temps de l’aborder que Ethan s’empresse de lui redonner le calepin en lui communiquant les commandes en cours -et bien sûr qu’il enchaînait avec sa propre pause-.

Il se débarrasse de son tablier et se dirige vers Gwenäel. Avant de prendre place en face de l’homme, il lui demande s’il peut toujours se joindre à lui, s’il ne le dérangeait pas.

— Tu travaillais sur quoi? Si ce n’est pas indiscret, bien sûr.

Tes doigts se referment autour de la tasse et tu te reconcentres sur tes travaux. La chaleur bouillante de l’eau infusée se diffuse dans tes mains et réchauffe petit à petit ton corps. Mais bordel pourquoi es-tu aussi empoté et idiot ?
Premièrement, tu n’aurais jamais dû lui proposer de s’asseoir à ta table, il travaille.
Deuxièmement, tu lui as forcé la main et maintenant même s’il t’assure que ça ne le dérange pas, tu te sens coupable de lui voler sa pause.
Vous ne vous connaissez même pas… C’est juste un étudiant que tu croises souvent et qui, pour ton plus grand malheur, est terriblement séduisant, mais purement hétéro…
Encore une fois, tu vas sombrer dans ce même schéma de souffrance…

Tes doigts finissent par se décoller de la tasse et tu tapes ta conclusion sur tes observations des variations de pression atmosphérique de la région d’il y a dix ans en comparaison à celle de cette année. Très vite, tu arrives au point final de ta conclusion et satisfais, tu as juste le temps porter ta tasse à tes lèvres te délectant d’une gorgée qu'Ethan revient vers toi tout sourire.

D’un hochement de tête, tu l’invites à s’asseoir en face de toi et tes prunelles se plongent dans les siennes et ton visage s’illumine quand il te demande sur quoi tu travailles.
-Je suis étudiant en météorologie et là, je devais établir un compte-rendue analytique sur les différences de pression atmosphérique que nous pouvions observer entre 2010 et 2020 sur le secteur de la Province de Colombie-Britannique. Et comment le réchauffement climatique impacte la région.

Tes iris brillent d’excitation, il est rare que tu parles de tes cours avec quelqu’un qui ne fait pas partie de ton cursus. Tu portes une nouvelle fois ta tasse à tes lèvres et tu te délectes du goût du thé après et fort, qui te rappelle ton Irlande natale et les litres de thé que tu buvais avec ta mère quand elle travaillait sur les légendes des Tuatha De Danann. Tu pouvais passer des heures à l'écouter conter les mythes d’une autre époque.
-Et bah, ce n'est pas fameux, il fait 1,6 fois plus mauvais et bah après sur une période de dix ans, je ne peux pas trop établir de constat clair sûr si c’est dû au réchauffement climatique ou juste bah ouais, il pleut davantage et puis cette période est un peu courte pour pouvoir emmetre de vraies conclusions et ça concerne une autre de mes matières alors, je ne m'avance pas trop.

Tu rigoles un peu gêné d’avoir étalé ta science comme ça sans retenue.
-Et toi, tu étudies quoi à la fac ?

Tes mains se referment sur ta tasse et tu laisses sa douce chaleur réchauffer tes articulations, tes lèvres traçant un doux sourire sur ton visage doux et avenant…

Il prend place, heureux de ne pas arriver à un mauvais moment -et surtout que le premier intéressé n’a pas changé d’avis entre temps-. Il appuie ses coudes sur la table de bois tout en posant son regard sur le jeune étudiant. Sa curiosité piquée, il le questionne. En aucun cas il avait pu apercevoir l’écran de l’ordinateur portable -sans compter que ça relève d’une indiscrétion-.
Il découvre quel domaine l’étudiant suit comme cursus. Sur tous les secteurs possibles qui lui venaient en tête, il n’avait même pas songé à ce dernier.

— Très peu commun comme choix, mais je peux très bien voir l’utilité.

Même s’il ne comprend pas toutes les subtilités que Gwenäel lui expose, Ethan l’écoute attentivement. Juste à observer, il y analyse la passion qui l’anime et -dans un sens- il l’admire. Il aime son propre champ d’études, mais il ne peut pas dire qu’il s’applique avec une aussi grande étincelle au fond de ses pupilles. Voir que son cerveau serait probablement reconnaissant s’il pouvait relaxer sur les révisions et toutes les lectures intensives. Quoique… il ignore ce qui est le plus pénible pour lui; regarder des graphiques à n’en plus finir ou des lignes et des lignes de textes.

— Si dix ans n’est pas suffisants, remonte aussi à il y a vingt ans? Le réchauffement climatique, c’est un constat sur plusieurs dizaines d’années non? À moins que je dis n’importe quoi qui n’a aucun rapport.

Un ricanement gêné lui secousse les épaules. Il émet des hypothèses, mais n’ayant aucune connaissance dans ce qui attrait la météo, il se doute qu’il dit de la merde.

— Si tu as accès aux anciennes données bien sûr! Ça pourra te donner une meilleure vision des variations.

Il serait néanmoins heureux de pouvoir donner une piste à explorer et qui pourrait le débloquer dans son… travail? Séance d’étude? Une simple curiosité?
Mais voilà qu’il lui retourne la question et malheureusement, sa réponse sera bien moins intéressante de ce qu’on lui de lui donner.

— J’étudie en droit. Mon but est de devenir avocat.

Classique. Tout le monde connaît ce cursus.

— Au lieu de démystifier les graphiques, je passe mon temps à farfouiller le Code civil et je tente de tout mémoriser. Mon cerveau n’y arrive pas.

Il laisse échapper un léger rire.

— Mon speech ne sera pas aussi palpitante que le tient à moins que tu veilles t’endormir, là je crois que ça sera utile que je te récite une partie du Code civil.

Non pas qu’il ridiculise son champ d’études, mais il a bien conscience, Ethan, que ce n’est que du par cœur.

— Tu es en quelle année?

Tu pianotes sur ton clavier.
Tes doigts dansent une valse virevoltante et douce. Une danse qui met par écrit les mots qui te viennent spontanément à l’esprit. Ta conclusion à ton étude météorologique prend forme et plongé dans ce monde, tu vois les nuages se dessiner dans ton esprit.

Stratus. Cumulus Cirrus. Altostratus. Stratocumulus. Cumulonimbus.

Tant de nuages voguant dans les airs, libres de parcourir le monde qui les entoure, poussé par des vents chantant les louanges des cieux et guidant les nuages dans leur parcours.

Alizé. Bise. Aquilon. Cers. Mistral. Tramontane. Zéphyr.

Tes phalanges quittent le clavier de l’ordinateur qui projette une lueur spectrale sur ton visage et tu portes à tes lèvres la tasse de thé bouillante et souffle dessus doucement rafraîchissant la surface ardente de ton eau infusée aux herbes.

Ton regard est attiré par le retour d’Ethan et sur tes lèvres naquit un sourire doux et jovial. Un sentiment de plénitude repoussant tes inquiétudes et tes angoisses dans les confins de ta conscience. Tes iris aux couleurs du ciel orageux suivent l'installation de ton comparse à ta table.
Tu essayes de lui expliquer facilement sur quoi tu travailles, usant de mots que le commun des mortels peut comprendre, mais très vite, tu te laisses emporter par l’excitation.
-En soi cela serait plus simple d’évaluer l'impact du réchauffement climatique avec plus de données, c'est sûr mais le prof nous a donné des sur une période de dix ans pour que nous puissions tous avoir des données suffisantes pour établir nos conclusions. Mais tu as totalement raison, plus de données, offre une vision bien plus proche de la réalité.

Un léger rire s’échappe de tes lèvres sur lesquelles tu poses la tasse et souffle une nouvelle fois avant de prendre une nouvelle gorgée de thé. Tu lui fais un grand sourire avant de lui demander quel cursus suit-il à la faculté.

Toute ton attention est focalisée sur ce qu’il peut bien te dire et tu l’enregistres précieusement.
-Mais non ne dis pas de bêtise ça doit être ultra-intéressant. Après, je n’y connais que dalle hormis ce que l’on peut voir dans les séries. Et tu souhaites travailler dans quel domaine ?

Tes phalanges glissent entre tes boucles sombres comme la nuit.
-Je suis en deuxième année, et je vise une maîtrise voir un doctorat, on verra combien de temps mes parents pourront rester sur place… Et toi ?

Tes prunelles se plongent dans les siennes et tu te noies dans l’immensité azurée de ses iris couleur océan.

— Alors si le prof vous a donné que cette portion d’information, peut-être qu’il veut jauger vos capacités de voyant?

Il avait toujours ce décalage entre les études et la réalité du milieu de travail. Même si ce n’était pas son champ de prédilection, Ethan se doute que dans un bureau, le jeune homme aurait accès à une multitude de bases de données. Pourquoi ainsi rétrécir l’horizon? On dirait que chaque enseignant ont leur petit côté sadique à les voir se démerder sans ressources appropriées -comme lorsqu’on lui somme de fermer le Code civil-.
Il peut comprendre l’envers de la médaille -celle de pousser à découvrir si chaque étudiant est fait pour cette branche et s’il a un réel potentiel-. Toutefois, ça reste un tantinet cruel comme méthode et ça ne fait qu’augmenter l’angoisse chez ceux qui cherchent à obtenir un diplôme.

— Je te dirai alors d’y aller avec ce que tu en as conclu sans prendre en compte ce que je viens de dire.

Il étouffe un rire nerveux. Il ne souhaitait pas le rendre plus confus ce qu’il pouvait être -quoique son camarade semblait plutôt sûr de ses réponses lorsqu’il lui a déversé ses explications-.
L’étudiant en droit ne peut s’empêcher de l’observer, porter cette tasse à ses lèvres été en déguster son contenu. Il ouvre la bouche, mais on lui coupe l’herbe sous le pied. Il lui répond le nom de sa faculté au sein de l’université. Il éclate néanmoins de rire lorsque Gwenäel en ajoute.

— Oh, à moins que tu aimes passer des heures à lire et à lire des lignes de textes qui ne sont parfois pas très clairs sur l’énoncé d’une loi ou encore qu’elle t’amène à un autre point qui part dans un sens opposé!

Ethan trouvait dans certains cas difficile de suivre le tout. Lui qui s’attendait à ce que les lois et les sentences soient toutes noires ou blanches, au fils des mois qui s’écoulent, il s’aperçoit à quel point c’est plutôt un amalgame de teintes grises.

— Je ne suis pas assez avancé encore pour te dire si c’est un bon reflet du métier dans les séries. J’essaie de ne pas trop en écouter, mais si je me fie à mes profs, la majorité ils passent leur temps à les détruire, alors j’imagine qu’on ne peut pas tout prendre pour acquis en matant une série télévisée.

Il jette un regard à sa montre autour de son poignet gauche. Il a encore quelques minutes à lui accorder avant que ses responsabilités d’employé le rattrapent.

— Je t’avoue je ne sais pas trop encore? Je sais que je veux être avocat, mais me spécialiser dans un domaine, je ne sais pas lequel.

Honteux d’être autant indécis alors qu’il est dans une branche qui le mènera à plusieurs années d’études, il diverge ses pralines vers l’extérieur ou plusieurs passants circulent. Son attention se rapporte sur Gwen tandis qu’il lui retourne sa question.

— Je suis aussi en deuxième année! Mais, qu’est-ce que tu veux dire par combien de temps tes parents pourront rester sur place?

Ses sourcils se froncent. Il n’est pas canadien? Après, s’ils sont de la même année, alors ils ont le même âge à moins de cas exceptionnel. Même si ses parents décident de partir, il peut très bien rester. Bon à moins qu’il n’ait pas non plus la volonté de demeurer à Vancouver. C’est difficile de juger tant qu’ils échangent vraiment pour la première fois, mais un pincement au cœur le saisit. Ils semblent bien s’entendre à priori.

Le chaos tend toujours vers l’ordre.
Et l’ordre cherche toujours le chaos.
Le monde tourne ainsi, il cherche cet équilibre entre l’ordre et le chaos.
Et là dans ce café, il semblerait que la balance du monde vient de trouver la parfaite harmonie.

Assis l’un en face de l’autre, deux jeunes hommes dans la fleur de l’âge discutent et s’apprivoisent. Le brun expliquant avec enthousiasme ses études et dans ses yeux brillent une fierté non feinte. Tandis que le discours du blond semble plus monotone, comme si la lumière qui l’avait habité en choisissant cette voie avait perdu en éclat…

Son rire est si pur et adoucit ton cœur et illumine tes pensées, il a ce don en lui de calmer la tempête perpétuelle de tes pensées intrusives et sombres.
-Tu viens littéralement de décrire ce que je fais tous les jours.

Tu pouffes de rire et pianotes quelques secondes sur ton ordi avant de lui montrer un de tes tableaux de relevé d’information météo d’un des balises de Vancouver.
-Et encore celui-là, je l’ai amélioré pour m’y retrouver de suite !

Tu lèves vers Ethan un regard doux et compatissant emplit de tendresse. Attentif, tu l’écoutes, faisant craquer tes phalanges, ce vieux toc te reprenant quand tu es dans un état de concentration profond.
-Ouais, ils doivent vraiment édulcorer la vérité et la déformer pour rendre ça plus attrayant…

Tu te frottes le menton perplexe, le regard à sa montre te plonge dans un doute intense. Et d’un coup les voix reviennent, plus fortes et assassines.


Tu essayes de t'intéresser plus à lui, mais pareil, il semble indécis et élude ta question.


Comme toi lui aussi est dans sa seconde année d’étude et le froncement de ses sourcils comprime ton cœur et donne plus de force aux voix.


Ton sourire perd de son éclat et tu baisses le regard gêné.
-Oui, mes parents sont des doctorants dans leur domaine respectif et sont souvent amenés à déménager pour le travail. Ça fait cinq ans qu’on est ici, mais je me doute qu’un jour, ils recevront une meilleure offre d’une autre université ailleurs sur le globe pour donner des cours et comme toujours ma sœur et moi, on devra les suivre…

Tu passes une main dans tes cheveux, attristé de ce constat factuel que tu fais. Mais en même temps, vous n’êtes jamais resté aussi longtemps dans une même ville.
-Après aux dernières nouvelles, ils n’ont pas reçu de nouvelles offres et puis si c’était le cas, je leur demanderais de rester ici… J’ai pas envie de quitter Vancouver…

Tu lèves vers lui un regard peiné, mais une lueur d’espoir scintillant dans les profondeurs de tes iris couleur orage.

Ethan étouffe un rire suite au commentaire. Bon, en vrai, ça doit être le cas de tout le monde en fait. Cette réalité floue de la vie étudiante. Un passage obligé que les parents diront -toujours à poussé leur enfant à mieux de ce qu’ils ont eux-mêmes-. Mais était-ce seulement pédagogique de les faire lutter à ce point pendant les années où quasi tout leur temps doive être consacré aux études? Il y avait bien ces fêtes à l’université, mais l’étudiant en droit n’y participait pas -du moins lorsqu’il ne se faisait pas traîner de force par ses amis-.
Oh, en voyant l’écran qui se dresse devant lui, il comprend que son interlocuteur parlait plutôt d’analyser et de décortiquer les tableaux. Et en toute honnêteté, même s’il assure qu’il l’a simplifié au maximum, Ethan n’y capte pas grand-chose. Il glisse ses doigts à travers ses mèches afin de passer cet instant de gêne qu’il sent l’envahir, mais comme il n’a rien dit, peut-être sera-t-il le seul détenteur de cette maladresse?

Un frisson le parcourt dès qu’il entend les craquements forcés. Sa mâchoire se crispe et ses pralines s’abaissent pour observer les poings de Gwenaël.
Devait-il souligner ce moment? Peut-être était-ce qu’un adon. Rien de plus.
Ethan décide de faire comme si de rien n’était.

Vérifiant les aiguilles sur sa montre -dépasser le temps alloué, le patron était sévère sur cet aspect-, il rapatrie aussitôt son attention sur le client, heureux qu’il lui reste encore quelques minutes. Malgré le dénouement de la conversation.
Wen éclaircit sa lanterne. Ethan comprend la situation, mais s’il a en effet le même âge, il est maintenant en droit de décider de son avenir -et non pas d’être contraint à suivre tous les pas de ses parents-. Mais il rentre probablement sur un terrain glissant. C’est à peine ils échangent, donc il se voit mal, l’étudiant en droit, de lui faire valoir ces petits points. Et soyons honnête, il doit déjà le savoir, il n’a pas besoin qu’Ethan lui martèle la tête avec ça.
Dès qu’il relève le regard, le serveur sourit.

— Ça serait mieux pour tes études. Puis… Tu es majeur au Canada, alors tu peux décider de rester malgré qu’eux choisissent de bouger.

Il hausse les épaules. Ça rejoint ce qu’il disait.

— Pense surtout à ce que tu veux. C’est bien beau de faire plaisir à tes parents, mais ne t’efface pas pour eux.

Sa voix se teinte d’une légère tristesse. Il ne parle pas d’expérience, seulement, il le voit chez l’un de ses coéquipiers de sport. Il se tue à la tâche dans l’unique intention de trouver l’approbation auprès de son père. Et c’est un constat affligeant à observer.

— Eh… Ma pause est terminée, mais n’hésite pas à me faire signe s’il y a quoi que ce soit. Même si c’est mon collègue qui s’occupe de cette section. J’espère aussi que le thé aura été à ton goût!

Décidément, quinze minutes passent beaucoup trop vite…

Lentement les nuages reviennent.
Ils assombrissent ton ciel et toi au bord de la falaise, tu regardes l’orage se former.
Tu aimerais pouvoir l’effacer d’un mouvement de main, mais là face à cette mer, tu n’es pas le sorcier du ciel. Tu es l’enfant qui souffre, et qui n’a pas le choix que de subir les affres de sa conscience tourmentée.

Ne plus entendre les rires et les moqueries serait pour toi le plus beau des présents, mais elles font partie de toi, ancrée dans tes chaires et continuellement présente dans ton esprit…
-Tu as sûrement raison…

La tête baissée, tu regardes la vapeur de l’eau bouillante s'évaporer et s’évanouir dans l’air ambiant à mesure que ta respiration l’emporte.
Finalement le temps de notre entrevue touche à sa fin, quinze minutes gaspillées à discuter de toi, au lieu de vous trouver des points communs. Finalement, tu as encore une fois été égoïste.
Tu n’as pas arrêté de le mettre mal à l’aise et même si rien de tout ce que tu aurais pu imaginer ne se passera, tu vas encore retrouver ta solitude. Cette vieille amie…
-Merci beaucoup à toi. Et oui si besoin, je ferais signe…

Tu relèves vers lui tes yeux et dévoiles un tendre sourire que tu essayes de rendre le plus sincère possible et ajoute.
-Le thé est délicieux !

Tu espérais voir ces quinze minutes s’éterniser, ne pas s'égrener aussi rapidement. Avoir plus de temps pour en apprendre plus sur lui, pour…
Pourquoi ?
Tu l’as bien vue…
Tu lui as fait regarder sa montre…
Ça devait être interminable pour lui…

Tu le regardes retourner derrière le comptoir et tu finis par fermer ton ordinateur, et ranger tes affaires, avalant la dernière gorgée de ton thé avant de te glisser au comptoir pour régler ta consommation.

Le ciel se couvre et un vent frais souffle dans les rues de Vancouver. Tu lèves ton regard vers le ciel et soupire profondément. Tu la sens sur tes cervicales cette épée de Damoclès. Tu es un sorcier. Tu es homosexuel. Et même si l’un fait partie des monstres du passé, l’autre reste un monstre que le présent pousse encore à être chassé…